Entrevue avec Charles S. Batcho
- Pouvez-vous décrire brièvement votre parcours académique ?
Formation universitaire en kinésithérapie à l’Université d’Abomey-Calavi, au Bénin (Afrique de l’Ouest), suivie d’une Licence professionnelle toujours en kinésithérapie et un doctorat en sciences de la motricité et réadaptation à l’Université catholique de Louvain en Belgique. Après le PhD obtenu en 2013, j’ai complété un court post-doc au Québec, plus précisément ici au Cirris/Université Laval.
- Pouvez-vous décrire votre projet de recherche en 3 phrases ?
Mon programme de recherche se décline suivant les 3 finalités suivantes :
(1) Favoriser la récupération et le maintien des capacités fonctionnelles chez les personnes en perte d’autonomie que ce soit à cause d’une pathologie ou du vieillissement;
(2) Améliorer les méthodes d’évaluation en réadaptation; et
(3) Développer et valider de nouvelles interventions intégrant des technologies, pour améliorer l’offre de soins de réadaptation quel que soit le contexte.
- Pourquoi avez-vous choisi cette carrière ?
J’aime l’enseignement et pendant mon doctorat, j’ai pris goût à la recherche. Alors j’ai décidé de rester dans le milieu académique, pour contribuer à l’avancement des connaissances, et à la formation. Avec la conviction que tout cela va contribuer au renforcement des capacités, afin que le domaine de la réadaptation se renouvelle continuellement en étant orientée vers l’excellence au service de la communauté.
- Pourquoi avez-vous établi votre laboratoire au Québec ?
Oh, c’est le Québec qui m’a choisi…hahaha; en fait comme je disais plus tôt, j’ai réalisé un post-doc à Québec, et pendant mon stage postdoctoral, j’ai eu l’occasion d’avoir été sélectionné pour un poste de professeur. Et puis comme l’Université Laval et le Cirris offrent un environnement adéquat pour le développement d’une carrière académique, le choix a été facile d’établir mon laboratoire de recherche ici.
- Quelle est la partie de votre travail que vous aimez le plus ?
La créativité permanente que cela demande et la liberté que ça offre. On n’a pas le temps de s’ennuyer de quelque chose, parce qu’il y a une diversité de tâches à accomplir, aussi stimulantes les unes que les autres dans les trois grandes fonctions professorales à savoir l’enseignement, la recherche et le service à la communauté. Et puis, avouons-le, c’est extrêmement plaisant lorsqu’on contribue à la formation des gens ; pas seulement pour la relève mais surtout pour les empreintes que nous laissons dans la vie des personnes que nous formons, et aussi pour les marques indélébiles que ces personnes laissent en retour dans notre parcours personnel et professionnel. J’aime vraiment cette dynamique relationnelle motivée par la quête mutuelle du savoir et la réciprocité du partage de connaissances.
- Quel message souhaitez-vous que les gens retiennent de vos travaux ?
C’est encore tôt pour conclure, mais au terme de ma carrière, ce que j’aimerais que les gens retiennent ce serait d’avoir contribué au développement de la réadaptation en général et de la physiothérapie en particulier, entre autres dans les pays où la profession a grandement besoin de se développer. J’espère également que mes travaux de recherche auront contribué, ne serait-ce qu’à une petite échelle, à la démonstration du caractère essentiel de la réadaptation dans le continuum de soin et dans les politiques sanitaires de prévention de la perte d’autonomie.
- Quelles sont les 3 qualités que vous recherchez chez vos étudiants / collaborateurs / employés ?
Passion, engagement et plaisir d’apprendre ensemble.
- Quels sont les problèmes, dans votre domaine d’expertise, qui vous tiennent éveillé la nuit ?
Bonne question ! Euh… le financement de la recherche. En fait, de façon générale, avec les enveloppes budgétaires qui fluctuent au gré des politiques en place, le financement est un enjeu omniprésent dans tous les domaines de la recherche ; et malheureusement la réadaptation ne fait certainement pas partie des domaines de recherche les mieux financés. Alors dans ces conditions, vous comprendrez que trouver le financement pour étudier des enjeux de la réadaptation, surtout lorsque ceux-ci touchent plus spécifiquement les pays à faibles revenus, c’est une mission qui peut parfois nous tenir éveillé.
- Quel livre a changé votre vie ?
Comme l’a dit Victor Hugo, « Tout homme ouvrant un livre, y trouve une aile et peut planer la-haut où l’âme en liberté se meut ». Donc, il y a eu quelques livres qui ont chacun changé quelque chose dans ma vie. Mais si je dois en citer nommément un, je dirais L’apprentissage de l’imperfection, de Tal Ben-Shahar. En fait la course après la perfection n’est pas toujours bien, ni pour soi-même, car on peut s’en mettre beaucoup trop sur l’épaule, ni pour les autres, parce que cela peut générer beaucoup trop de pression sur l’entourage et les collaborateurs. Ce que j’ai réalisé à partir de ce livre est que la perfection est utopique car toute œuvre est infiniment perfectible. D’ailleurs, cela est d’autant plus vrai dans le domaine de la recherche scientifique où règne en maître la remise en question perpétuelle. Ceci dit, si on ne peut atteindre la perfection, il faut alors viser l’excellence en repoussant continuellement les limites de ses propres capacités.
- Quel conseil donneriez-vous aux étudiants qui commencent à rédiger leurs mémoires et thèses ?
Commencer, sans tarder, à écrire pour pouvoir mieux ré-écrire, parce que comme on dit « on ne peut que mieux ré-écrire » ; alors il ne faut pas attendre d’avoir des chapitres complets ou des sections parfaites dans sa tête avant de se mettre à écrire. Une fois que vous avez structuré votre projet et que vous vous êtes approprié la littérature en lien avec votre thème de recherche, écrivez ce qu’il vous inspire à mesure que les idées arrivent. Ça va peut-être ressembler à un brouillon quand vous le relirez; si c’est le cas, ce n’est pas perdu parce que c’est alors que vous pourrez mieux ré-écrire. La version suivante sera toujours meilleure que la précédente. Alors en 3 mots, mon conseil est : écrire – relire – ré-écrire !
Charles S. Batcho